Depuis le début de la semaine, la plupart des magasins et bars ont été contraints de cesser leurs activités indéfiniment. Et les consommateurs doivent rester chez eux. Avec l’incertitude économique actuelle, les consommateurs dépensent moins pour des articles non essentiels. La situation est de toute évidence en train de créer un impact immense sur le plan économique de notre province, et du monde entier.
Selon un article d’Hélène Baril de La Presse, “Il est déjà acquis que la pandémie retranchera 2% à la croissance de l’économie mondiale. Ça veut dire que plusieurs pays tomberont en récession, dont le Japon, l’Italie, et peut-être la France et l’Allemagne, sans parler des pays émergents déjà à risque. (…) Plusieurs économistes croient que le Canada n’y échappera pas, du moins techniquement.”
Et malheureusement, la situation risque d’empirer avant de s’améliorer…
Récession ? Comme en 2008 ?
Oui et non. En 2008, le système bancaire et de crédit menaçait de s’effondrer donc la peur qui régnait était bien plus importante que celle d’un ralentissement économique comme nous le vivons actuellement. Cela dit, la crise mondiale à laquelle nous faisons face aujourd’hui est beaucoup plus importante puisqu’elle a, avant tout, un impact direct et réel sur la santé publique.
Ce qu’on vit aujourd’hui est différent de ce qu’on vivait à l’époque. Comme l’enjeu principal est avant tout de protéger les citoyens sur le plan de la santé, des mesures drastiques ont été prises et le monde entier recommande aux citoyens de rester à la maison. En agissant ainsi, l’économie ralentit, tout comme les revenus des entreprises qui n’ont évidemment pas pu prévoir le coup.
C’est une situation complexe qui évolue littéralement à chaque jour et il va de soi que personne ne peut prévoir combien de temps durera ce ralentissement économique. La plupart des entreprises ont pris des mesures pour faciliter le télétravail dans le but d’encourager leur employés à rester à la maison. Certaines industries sont plus touchées que d’autres, comme les activités touchant les domaines du voyages, de l’événementiel, de l’hôtellerie, des arts, de la vente au détail et des services personnels, comme les salons de coiffures.
Malheureusement, ceux qui souffriront le plus du ralentissement économique seront les personnes les plus vulnérables de notre société. On peut penser à toutes ces personnes qui ne peuvent pas se permettre de travailler de la maison et qui, normalement, vivent de chèque en chèque.
Même si ces personnes se doivent de rester à la maison, cela peut être particulièrement difficile pour elles de se priver d’un revenu, qu’elles aient les symptômes ou non. Les mises à pied sont réelles et tragiques. Les entreprises qui doivent le faire ne s’en réjouissent pas, elles n’ont simplement pas le choix.
L’impact de COVID-19 sur les petites entreprises au Canada
Les entreprises à tous les niveaux souffrent durant cette période, mais comme dans tout ralentissement économique, ce sont souvent les entreprises moins solides qui prennent le plus gros coup, dont les PME et les travailleurs autonomes.
Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), « 42 % des petites entreprises interrogées déclarent dépendre uniquement des contacts en personne pour toutes leurs ventes. »
De plus, selon une enquête de la FCEI :
- 43 % des petites entreprises ont réduit les heures de travail
- 20 % ont mis à pied temporairement du personnel
- 38 % ont rencontré des problèmes de chaîne d’approvisionnement
Pour ces petites entreprises qui dépendent des interactions humaines, la distanciation sociale a un impact immense sur leur survie. Dans un sondage de la FCEI auprès de ses membres, les propriétaires de petites entreprises ont signalé une perte moyenne de 66 000 $ à ce jour. Le chiffre est de 53 000 $ pour les PME québécoises.
Un quart des personnes interrogées ont déclaré qu’elles ne pourraient pas survivre plus d’un mois si leur revenu d’entreprise baissait de 50 %. Julie Kwiecinski, directrice des affaires provinciales de l’Ontario du FCEI a déclaré que « tous les niveaux de gouvernement doivent agir rapidement sur les allégements financiers ou les stimulants économiques, car les propriétaires appellent déjà la FCEI pour signaler les entreprises en faillite. »
Et qu’en est-il des PME et des travailleurs autonomes au Québec ?
Dans le monde des PME qui m’entoure, je vois sans arrêt, sur les médias sociaux, des publications de petites entreprises qui essaient de trouver des manières de garder la tête hors de l’eau durant la crise actuelle. Nous savons que les bars, les restaurants et les salles de spectacles sont très touchées, mais qu’en est-il de toutes les autres petites entreprises qui œuvrent dans différents domaines ?
« Avec un bureau à la maison, 5 enfants qui ne vont plus à l’école, des clients qui ne veulent plus sortir de chez eux et qui annulent, moi qui ne veux pas faire entrer personne dans ma maison pour ne pas contaminer les lieux de mes enfants et de moi-même. Maman mono parentale qui doit continuer de faire vivre tout ce beau monde là avec aucune entrée d’argent. C’est plus stressant que le coronavirus lui-même ! » – Thania Briere, Hypnologue.
Vanessa Bourdeau, fondatrice de l’agence Commères, une agence de communications, nous dit : « Les clients de Commères sont des entreprises et des organismes œuvrant principalement dans le domaine de la culture, du lifestyle, du tourisme et du divertissement. Il va sans dire que chacun d’entre eux subit les impacts de la crise entourant la COVID-19. Plusieurs d’entre eux se voient dans l’obligation de fermer leurs établissements afin de se soumettre aux exigences et mesures mises en place par le gouvernement québécois. (…) Ainsi, si la crise perdure plusieurs semaines encore, voire plusieurs mois, tel qu’on le mentionne dans les médias, cela pourrait représenter une perte de milliers de dollars. Cela signifierait également que la survie de l’entreprise en sera grandement menacée, comme c’est le cas pour énormément d’entreprises québécoises. »
Vanessa, qui devra mettre à pied son employée dans quelques jours pour diminuer les dépenses de l’entreprise, mentionne également : « Étant passionnée par mon métier et parce que je crois fondamentalement que la clé de la survie de plusieurs PME réside dans l’entraide, j’ai décidé d’adapter l’offre de services de Commères afin de répondre aux besoins des entreprises en termes de communication de crise. »
Son entreprise offrira des consultations express de 30 à 60 minutes afin d’identifier les actions de communication à mettre rapidement en place au sein des entreprises, ainsi que de l’accompagnement quotidien ou ponctuel. Leurs tarifs seront aussi adaptés à la réalité économique difficile des entreprises, entrepreneurs et travailleurs autonomes.
« Démarrer une entreprise est extrêmement exigeant ! On dit qu’entre l’année 2 et 4, c’est la vallée de la mort pour les startups. Eh bien cette année, JUST BITE vient de compléter ses 2 premières années avec des résultats somme toute intéressants, mais sous une gestion de flux de trésorier très, très serrée. La douleur de la croissance est de supporter financièrement les premiers grands clients, les ‘net 30-60 jours’, etc. Nous voilà en plein là… Et hop, COVID-19 tire sous nos pieds 35 % de nos revenus ! » – Mélanie Grenier, propriétaire de JUST BITE, une entreprise qui crée et livre des collations santé et bio.
Valérie Paquette, propriétaire d’Astuces Canines, une école d’éducation canine qui donne des cours de groupe ainsi que des consultations privées, ajoute : « Nos cours de groupe sont pour le moment en attente. On parle de plus de 150 chiens par semaine. Notre service de consultation privée reste actif. Mais, par le fait même, les gens ne sont pas trop enclins à dépenser pour ce type de service. Nous avions en moyenne 4 réservations par jour pour les consultations privées. Depuis lundi, les appels se font rares. Tout cela apporte de grandes pertes financières à court terme. Pour le moyen terme, nous devons décaler toutes nos sessions. Si la situation persiste, on s’attend à de futures annulations. Cette situation a d’importantes conséquences pour une petite entreprise. Les conséquences sont monétaires mais aussi sur notre santé mentale. Tout cela apporte un stress, qui est difficile à gérer, puisque nous faisons face à l’inconnu. Nous essayons de voir le côté positif de tout cela (ce qui n’est pas toujours facile) et nous développons de nouveaux services, comme les consultations privées via vidéoconférence et des formations en ligne. »
Pour Larissa Lognay, qui a quelques entreprises dans le milieu du voyage : « Moyen et long terme, pour l’instant c’est très difficile de prévoir… Nous ne faisons strictement QUE annuler des réservations, depuis 5 jours. Nous n’avons aucun revenu qui rentre, que de l’argent qui sort. J’évalue les pertes à environ 750$ par jour. »
« Je n’ose pas calculer le mois d’avril tout de suite. Ça fait trop mal de voir les chiffres. J’espère fortement que le gouvernement nous offrira des compensations et non un prêt. Car les PME comme moi qui ont pris 4 ans avant d’arriver à quelque chose perdront tout ! En fermant les écoles et les garderies j’ai perdu sur le champ toute forme de revenu… » – Carol-Ann Coulombe, propriétaire de l’agence les Indispensables, offrant plusieurs services à l’enfance dont les ateliers éducatifs en service de garde préscolaires et scolaires.
Quant à Stéfany Mc Lean, photographe qui pratique son métier à temps plein depuis 2011, elle ajoute : « S’il advenait que la crise se poursuivre et que mes mariées annulent leur mariage, certaines mariées de septembre-octobre pensent annuler, on parlerait de dizaine de milliers de dollars, soit 45 % de mon année (mariage). Sans compter les séances normales que j’ai aussi durant l’été. Compte tenu que ma saison forte est de mai à décembre, je n’ose même pas y penser. Si la pandémie dure 5-6 mois, je crois que je devrai songer à un deuxième emploi pour survivre le temps que les choses puissent redémarrer. Je suis en contact direct avec les gens, les futures mamans, famille, bébés. Si nous ne pouvons sortir, je ne peux travailler. »
L’aide financière des gouvernements pour les PME et travailleurs autonomes
Le gouvernement québécois a annoncé il y a quelques jours un programme d’aide financière pour les travailleurs autonomes ou salariés qui n’ont pas accès à l’assurance-emploi. Ces derniers pourront recevoir jusqu’à 573 $ par semaine pour une période de deux semaines d’isolement, administré par la Croix-Rouge. Pour être admissible, il faut revenir de voyage, avoir été en contact avec des voyageurs, avoir des symptômes ou avoir la maladie et accepter de s’isoler pendant 14 jours.
Dans le cas où la période de quarantaine devrait se prolonger, l’aide financière pourrait s’étirer jusqu’à un maximum de quatre semaines. L’aide financière du Québec sera non imposable et sera offerte jusqu’à ce que le gouvernement fédéral implante son propre programme d’aide financière. Celui-ci a d’ailleurs récemment annoncé son programme d’aide :
« La demande de prestation sera disponible à compter d’avril 2020, et les Canadiens devront attester qu’ils répondent aux critères d’admissibilité. Ils devront renouveler leur attestation d’admissibilité toutes les deux semaines. Les Canadiens disposeront de trois moyens pour faire la demande de prestation :
- à l’aide du portail sécurité Mon dossier de l’ARC;
- à l’aide de leur compte sécurisé Mon dossier Service Canada;
- en téléphonant à un numéro sans frais doté d’un mécanisme de demande automatisé. »
Facebook a également annoncé mardi un programme de 100 millions de dollars pour aider les petites entreprises. Les subventions seront offertes à 30 000 petites entreprises éligibles dans plus de 30 pays. Cela signifie qu’ils remettront en moyenne 3 333 $ par entreprise. Facebook commencera à accepter les candidatures dans les prochaines semaines, leur objectif est d’aider les entreprises à payer les loyers et les coûts d’exploitation, à maintenir la main-d’œuvre et à garder contact avec leurs clients.
Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
Au-delà de l’aide financière, la mesure qui aurait le plus grand impact positif sur la vie des travailleurs autonomes et petites entreprises serait d’avoir une vie qui retournerait à la normale. Il est important de se rappeler que ce qui aura un impact immense sur la suite des choses est l’état de la santé publique et la durée du délai de perturbation de ce virus.
Ferons-nous comme la Chine ou est-ce que les conséquences seront pires pour nous ? Le système hospitalier est-il prêt à gérer ce qui s’en vient ?
Si tout le monde fait un effort réel et concret pour respecter les règles, nous avons plus de chances de voir les cas diminuer au fil du temps. Si les Canadiens prennent au sérieux les mesures de distanciation sociale, nous pourrons commencer à en voir les avantages et nous pourrons peut-être ralentir les mesures drastiques d’isolement au courant des prochaines semaines ou prochains mois.
Si nous arrivons enfin à avoir la situation en mains, nous pourrons tranquillement reprendre nos activités normales ce qui, ultimement, permettra de refaire vivre petit à petit notre économie et nos activités professionnelles.
Pour l’instant, restez à la maison, évitez de sortir, lavez-vous les mains, prenez au sérieux les règles de distanciation sociale et profitez-en pour faire évoluer votre entreprise.